La recherche du bonheur, notamment dans sa vie professionnelle, est –elle devenue une « obligation » ?

Des personnes qui se sentent plus heureux à leur travail seront plus performants, et la performance est une bonne chose pour l’Entreprise.

C’est donc une bonne chose que les Managers prennent conscience de leur responsabilité dans la gestion des RH car les membres d’une équipe donneront le meilleur d’eux mêmes si ils se sentent écoutés, considérés, valorisés,…

Tout le courant de la psychologie positive a largement contribué à théoriser ces concepts et à proposer des outils et des méthodes pour faciliter cela.

Mais quelle est la place/rôle des Coachs qui accompagnent Managers /équipes dans cette quête du bonheur, ou du moins d’une recherche d’un « mieux travailler ensemble » ?

Le travail réalisé par le Coach et coaché(s) contribuent à améliorer les conditions au travail, par la mise en lumière des « blocages », la prise de conscience, l’ajustement des représentations, la régulation des relations …Mais pas que, car l’impact de l’intervention de ce tiers bienveillant mais non complaisant permet toujours au(x) coaché(s) de reprendre une place d’acteur(s), dans les rouages de l’entreprise, mais au delà, dans leur développement personnel, voire dans leur vie, tout simplement !!!

Le coaching est un outil de développement personnel ?

C’est bien vers plus de conscience, plus d’autonomie, plus de sens de ses responsabilités que le Coach accompagne et permet ainsi au coaché de se (re)connecter et de mieux se (re)connaître.

Mais il s’agit de ne pas méconnaître que ce travail de réappropriation, quelque fois de réconciliation, s’accompagne (souvent) de remises en cause, plus ou moins profondes.

Tout prescripteur de coaching doit accepter qu’en ouvrant cet espace de parole, d’expression, dans un cadre protégé notamment par la confidentialité, des attentes peuvent surgir, des questions peuvent être posées, auxquelles il s’agira de répondre. C’est là le « prix à payer » pour des salariés plus « responsables/autonomes/engagés ».

Le coaching met la personne en capacité de se voir comme objet de production (ce qui découle tout à fait normalement de son statut de salarié et des conditions d’exécution de son contrat de travail) ET aussi comme sujet en croissance, l’un ne devant pas effacer l’autre .

Le contrat, le contrat, le contrat …

La mise en place d’un contrat clair répondant aux besoins (pas toujours=demande) est un des fondamentaux pour qu’un coaching « se passe bien ». Le Coach commence à travailler dès le 1er contact et grâce à une analyse de la demande « fine », c’est le contrat –cadre de la démarche qu’il permettra un cheminement, sans devenir un Bouc émissaire ! Il s’agit en effet de ne pas créer plus de problèmes que ceux qu’il est venu contribuer à résoudre. Les écoles de coaching apprennent cela mais c’est l’expérience accompagnée d’une et pratique réflexive en supervision qui sont très importants.

L’injonction au bonheur : un privilège réservé aux salariés des pays prospères ?

Cette volonté d’épanouissement partout clamée, ne serait-elle pas juste un luxe des pays riches qui ne connaissaient plus sur leur territoire ni famine ni guerre ?

A moins que ce ne soit le miroir aux alouettes des sociétés en perte de sens dans lesquelles le travail et toutes les activités humaines ne sont plus régis que par la quête d’une optimisation perpétuelle ? Le bonheur oui mais uniquement si il fabrique de la performance !

Alors y aurait-il un risque pour le Coach de devenir celle/celui qui aide l’entreprise à faire accepter des conditions de travail de plus en plus difficiles sous couvert de développement personnel ? C’est ce qu’évoque une Julia de Funés dont on connaît le « mépris » vis à vis des Coachs, ou plus généralement, au sujet de la psychologie positive dont se revendique souvent les Coachs, Eva Illouz.

Oui, le Coach peut « positiver » et dire qu’ « une difficulté rencontrée au travail peut représenter une opportunité (pour le coaché) de se développer et de grandir ». Mais grâce à sa position méta et à sa capacité à adopter une vision systémique, il ne minimisera pas, ni dans son diagnostic, ni dans son processus d’accompagnement, le poids des problèmes structurels présents dans le système où évolue son client : méthodes managériale mal adaptées, absence de régulation sociale, système de rémunération et d’évaluation peu motivants, …

Le Coach est un partenaire du Manager/Organisation qui aide, mais qui ne se substitue pas à lui, au risque de disqualifier et d’être dommageable.

Du coup que réserve aux Coachs la « fin de l’abondance » annoncée ?

1 allemand et 1 français sur 10 se dit en détresse psychologique au travail. Le quart de la population active américaine a déjà subi un Burn Out… L’accroissement en parallèle du mal être au travail entrainant les DG/DRH à faire de plus en plus appel aux Coachs pourrait être le symptôme d’un cercle vicieux où la bienveillance des Managers ne réussirait plus à pallier la violence dans l’entreprise issue de la compétition économique.

Alors avec la perte de l’insouciance, l’annonce des pénuries, le risque planant de 3ème guerre mondiale, que devient cette quête du bonheur portée par la psychologie positive ? Cela peut-il impacter le métier de Coach ?

Le « bonheur » d’une personne ou d’une équipe restera –t-il un sujet pertinent si tous les systèmes s’écroulent ?Les Coachs devraient-ils se préparer à proposer leurs compétences au service du collectif, pour l’avènement d’un bonheur au niveau global ?Personnellement, c’est une intuition. Que faire et Comment faire ? No sé !

Mais, comme je l’ai déjà écrit dans d’autres articles, sans doute que les métiers de Coach et de Superviseur vont être «traversés » par ce qui se passe, et les impacts sociétaux qui en découleront.

Il est sans doute plus rassurant pour les membres des communautés professionnelles de penser que tout va continuer comme « dans le monde d’avant » … mais les changements seront me semble t il importants et, avec eux, l’émergence de nouveaux paradigmes. Impossible de se contenter de « faire un peu plus de la même chose ».

Réinventer nos métiers ?

Avec un peu de lucidité, on comprend que ce qui vient sera porteur d’austérité pour les personnes mais aussi pour les organisations.

Et que les difficultés seront macro, collectives, demandant des réponses politiques et sociales.

Si il ne s’agit plus d’améliorer le niveau d’autonomie des individus face aux difficultés qu’ils rencontrent, leur implication à la recherche de solutions à leur portée, tout simplement parce que ce ne sera plus « à l’ordre du jour » ?

Si il ne s’agit plus d’autonomie, de responsabilisation, de liberté, de pouvoir d’agir, mais d’acceptation des contraintes, de précarité, de survie ?

Quelles seront les demandes faites aux Coachs/Consultants ? Améliorer les conditions mentales des chômeurs, aider à remotiver à base de slogans d’estime de soi ? Souvenons nous, c’est déjà arrivé, en GB (sous D. Cameron), ou Australie (K. Rod) …ou en France (aller regarder le rapport Stiglitz N.Sarkozy, 2008).

CONCLUSION

Peut être pourrions nous mettre cette fois –ci davantage de conscience, ne pas croire, comme lors des crises précédentes, notamment celle de 2008, qu’il suffit de décréter le « Bonheur » comme enjeu national, créer un indicateur de « bonheur » et évaluer les pays selon le niveau de bonheur de leurs habitants ( voir classement mondial des pays les plus heureux – World Hapiness Report – sondage Gallup – R Layard)…et passer contrats avec des Coachs pour que les choses passent…

Et peut être que pour affronter ce qui vient, souffrances individuelles et collectives, pour réguler des dérives systémiques, il faudra un peu plus que de la psychologie positive, « changer son regard sur le monde » ne suffira pas  ….