Chat G.P.T. : bonne ou une mauvaise nouvelle ?

Les adolescents de la Silicon Valley qui ont mis au point cette « machine à pensée » pourraient nous adresser les mêmes mots que Diderot (lettre adressée à Mme Volant 1762 ) : « Cet ouvrage produira sûrement avec le temps une révolution dans les esprits et j’espère que les tyrans, les oppresseurs, les fanatiques et les intolérants n’y gagneront pas, nous aurons servi l’Humanité ».

Si Chat G.P.T. est une brique de la Tour de Babel, devons-nous nous réjouir que Babel s’élève, et que chaque brique la rapproche de sa chute ?

 

L’idéologie des Lumières se donne enfin les moyens de parvenir à ses fins, en offrant à l’ Homme le Savoir illimité, égal et universel, elle peut enfin lui offrir son salut …Chat G.P.T. c’est la grande entreprise moderne qui sort de sa chrysalide, le Chef d’oeuvre, le salut de l’ Homme par l’ Homme en donnant à ses appétits une satisfaction perpétuelle.

Le domaine des Sciences et des Lettres peuvent ils échapper aux Lois de l’ « hubris-me » ?
« Réponse » de Montaigne : …« en aucune chose, l’Homme ne sait s’arrêter au point de son besoin de volupté, de richesse, de puissance, il en embrasse plus qu’il ne peut étreindre, son avidité est incapable de modération. Je trouve qu’en curiosité de savoir il en est de même, …bien plus qu’il ne peut en faire, et bien plus qu’il n’en a à faire, étendant l’utilité du savoir autant qu’à sa matière » .

Peut on vraiment parler d’intelligence pour une intelligence artificielle ?
L’I.A. fournit une mémoire qui ne serait finalement qu’une illusion d’intelligence, nous emmenant encore un peu plus dans la confusion en savoir et connaître.
Marcel De Cort dans son livre « Intelligence en péril de mort » : « l’acte même de connaître, la synthèse de l’intelligence et du réel ne passe pas d’un individu à un autre parce qu’il est un acte vécu. Chacun doit éprouver personnellement la réalité et la présence de son contenu intelligible. Si l’on trouve toujours à pousser les frontières du savoir c’est au prix de la connaissance réelle.
En enfermant l’Homme dans des réalités fictives par une économie spéculative avec une IA on le coupe du réel et peu à peu de la connaissance dont il est vraiment capable ».

Molière «  un sot savant est plus sot qu’un sot ignorant ».

Voltaire , dialogue entre le Duc de la Vallières et Louis VX après que ce dernier ait confisqué les encyclopédies qui pullulaient à la cour.
« C’est dommage que sa majesté nous ait confisqué nos dictionnaires qui nous ont couté, nous y trouverions la décision de toutes nos questions ».
Les mots d’un homme qui était tout prêt à abdiquer sa liberté de penser, se réjouissant de ne plus jamais avoir à réfléchir, sûrement le 1er fonctionnaire désespéré de se voir retirer son manuel à penser qu’il n’a qu’à consulter à la moindre difficulté pour en appliquer le protocole.

Retirer à l’Homme, d’une part, la nécessité, puis la liberté de penser, c’est mener la dernière bataille de la grande guerre contre sa vie intérieure (Bernanos).
Sans dialectique intérieure, sans recueillement, sans interrogation, il n’y a plus de place pour la vie de l’âme.
Et c’est de cette vie que découle toute liberté.
C’est aussi elle qui peut dans un ultime recours par l’expérience de l’adversité intérieure nous garder en contact avec le réel.

La vie intérieure de l’Homme contre laquelle s’acharne la modernité est à la fois la marque de l’imperfection humaine mais aussi sont unique recours pour vivre son imperfection sans être accablé. La lui ôter revient ou bien à lui mentir sur lui même ou bien à l’écraser par son propre poids.

L’I.A. de plus en plus présente dans nos vies : faudrait il résister ou bien se rassurer ?
Les robots, parce qu’ils sont artificiels, ne peuvent pas même toucher du doigt le réel et restent alors étrangers au beau, au vrai, au juste . Ce que l’Homme fait de beau , de juste , de vrai est admirable parce qu’il est faillible, même si dans un suprême élan il touche du doigt la perfection.

 

Dès lors que tout lui sera possible grâce à l’ I.A., les stades et les musées seront vides car l’Homme n’admire pas chez l’Homme la perfection en elle même mais l’exploit.

 

Faut il être optimiste ou pessimiste ?
Bernanos : « …la machinerie est une spéculation sur les vices de l’ Homme ; ses ressources sont trop importantes pour imaginer la faire tomber à la force de nos bras. Mais Babel tombera d’elle même, laissons lui le temps. Jusqu’alors tâchons chacun de maintenir bon gré mal gré ce qu’il nous reste de liberté ».

Le refus de se ruer sur les nouvelles technologies porte en germe d’autres refus que certain(e)s ont eu besoin d’exprimer avec force sur la période de la « crise sanitaire » (2020-2022).

 

De toutes les libertés artificielles que promet l’état moderne,

d’un goût naissant du silence viendra sûrement celui de la contemplation,

et plus tard, s’il plaît à Dieu, celui de la prière.

Dans le vacarme du monde c’est Dieu qui se tait .

 

Source : François Lauze, étudiant à Science Po.